Le paradoxe de la ratatouille provençale
Nous parlons souvent dans nos articles de la cuisine provençale. Et quel meilleur ambassadeur de contrées méridionales que l’incontournable ratatouille ? Et pourtant, cette préparation est un pur produit de la mondialisation. La tomate, la courgette, le poivron viennent du continent américain. L’aubergine vient d’Asie. De fait, toutes ces espèces n’ont guère été exploitées avant le XVIIIème siècle qui a vu une accélération des échanges entre les continents et un intérêt croissant pour la botanique et l’agriculture… Sans tous ces ingrédients, notre ratatouille fait grise mine. Que resterait-t-il ? L’ail et l’huile d’olive.
L’alimentation avant les grandes découvertes
Essayons de nous replacer dans la situation précédant cette mondialisation végétale… On enlève le café, le thé, le chocolat, la pomme de terre, le maïs, les haricots, les tomates, les poivrons, les courgettes… L’alimentation antique et médiévale se basait alors sur des espèces comme les fèves, les pois, les blettes qui, malgré leur aspect nutritif, n’ont rien de réellement festif.
A l’exception d’un fameux triptyque qui a traversé les âges et les générations : le blé, l’olivier et la vigne. Le blé donne la farine qui constitue le pain, l’olivier donne l’huile d’olive et la vigne donne le vin, que nous retrouvons dans les écrits grecs les plus anciens, où leur valeur symbolique n’est plus à démontrer.
Dans la religion Chrétienne, ces nobles éléments ont été repris. Le pain et le vin représentent respectivement le corps et le sang du Christ, tandis que l’huile est souvent associée à l’esprit, comme par exemple dans la parabole des dix Vierges (Matthieu, chapitre 25).
Ainsi, l’olive, le blé et le raisin constituent des piliers ancestraux de notre culture gastronomique méditerranéenne car ils demeurent inchangés depuis des siècles et constituent la base noble, voire divine de notre alimentation.
Il y a donc quelque chose d’ancestral et de sacré dans ces trois aliments, fruits de la terre et du travail des hommes. Et cette noblesse particulière ne s’est vue attribuée à aucune autre espèce.
Evolutifs et intemporels
Immuables, ces trois piliers de notre culture symbolique et gastronomique ont pourtant fait preuve d’une capacité à d’adaptation à nos sociétés modernes. Nous évoquions la ratatouille, et plus largement toute la cuisine méditerranéenne dont les ingrédients proviennent en grande partie du Nouveau Monde. Et plus récemment, on voit le vin et l’huile d’olive se marier habilement avec chocolat. Indirectement, la divinité précolombienne du cacao crée une alliance avec Athéna et Dionysos pour le plus grand plaisir de nos papilles.
La farine a, elle aussi, beaucoup évolué. Les variétés de blés ont été optimisées pour s’adapter aux modes contemporaines. Et le pain « de tradition » n’a en réalité pas grand-chose à voir avec ce que consommaient nos ancêtres.
Si toutes ces associations nous ravissent, elles n’entament en rien le plaisir simple d’une tranche de pain arrosée d’un filet d’huile d’olive, d’un peu de sel et accompagné d’un verre de vin rouge. Du haut de ce triptyque, plus de trente siècles nous contemplent pour un repas dont la sobriété s’avère divine et indémodable.
Retrouvez l’ensemble de nos vins et nos huiles d’olive en suivant ce lien.